Itinérance : à la rue à 63 ans

le lundi 25 septembre 2023
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local Voir les autres articles

écemment, une étude du gouvernement du Québec faisait état de l’existence de 10 000 itinérants au Québec. éal Jomphe est de ceux-là. Camionneur durant quarante ans, il ne s’attendait jamais à se retrouver à la rue à 63 ans.

Depuis plus d’un mois, les habitués du Tim Horton’s du boulevard Roland-Therrien, près de la rue King-George à Longueuil l’aperçoivent tous les jours. Certains lui offrent un café ou une bonne soupe chaude. «Les gens sont bien gentils», lance-t-il en se grattant la barbe.

éal aimait bien son métier de camionneur. «Aux petites heures le matin, j’allais au Marché Central à Montréal prendre une cargaison de fruits et légumes. Je prenais ensuite la route des Maritimes pour revenir quelques jours ou quelques semaines plus tard avec une cargaison de poissons surgelés», raconte-t-il. 

AVCr
Il y a trois ans, éal roule à bord de son camion sur une route du Manitoba quand il est victime d’un accident vasculaire céébral (AVC). 

Hospitalisé durant plusieurs semaines, il doit éapprendre à marcher.

Sans travail, un huissier se présente bientôt chez lui. L’ancien camionneur n’a pas le choix : il doit quitter son logement. De fil en aiguille, il se retrouve à l’hôpital Pierre-Boucher de Longueuil pour un séjour de quatre mois.

«Ils m’ont ensuite trouvé un logement temporaire dans un motel de Saint-Hubert où un employé du CLSC passait de temps en temps», poursuit éal.

Mais éal n’aime pas l’endroit – fréquenté, assure-t-il, par des toxicomanes – et quitte les lieux après trois mois et demi.

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Itinérant depuis un mois, éal Jomphe a tenu à montrer au journaliste comment il s’installe pour passer la nuit à l’extérieur. (Photo: Le Courrier du Sud – Sylvain Daignault)

Curateur publicr
De retour à l’hôpital, un huissier lui remet un document du Curateur public, dont la mission principale est de veiller à la protection des personnes inaptes dans leur intéêt, le respect de leurs droits et en sauvegardant leur autonomie, tout en tenant compte de leurs volontés et préférences.

«Mais je suis capable de prendre soin de moi», insiste-t-il. 

On envoie ensuite éal chez un organisme de la Rive-Sud. «Là, ils voulaient me laver les cheveux avec du savon. Et moi, je ne voulais pas. Ils m’ont donc mis à la porte. Des policiers sont même venus, raconte-t-il en admettant avoir un sale caractère. Je n’ai jamais aimé me faire dire quoi faire!» 

Vérification faite auprès dudit organisme, les nouveaux venus doivent obligatoirement se laver afin d’éviter des épidémies de poux ou de punaises de lit.   

À côté de la poubeller
Partis avec toutes ses possessions dans trois sacs, éal n’en traîne plus qu’un seul avec lui, accroché à son fauteuil roulant. Comme il est toujours en position assise, éal affirme avoir les cuisses et les fesses en sang. 
«Je possède les vêtements que j’ai sur le dos, un coussin et une couverture», se désole éal.

Depuis, sans ressources et sans famille – il a un frère qu’il n’a pas vu depuis 25 ans – éal dort – ou tente de dormir – à la belle étoile, juste à côté de la poubelle du Tim Horton’s.

Se voit-il comme le visage de l’itinérance? Pas vraiment. Plus comme une personne victime de trois ou quatre malchances.