Poursuite contre le diocèse de Longueuil : se libérer en dénonçant son agresseur

le jeudi 13 juillet 2023
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local Voir les autres articles

Début des années 1980, vous avez 6 ans. Vous êtes en compagnie d’un homme d’Église en qui vous et vos parents, de bons catholiques pratiquants, avez pleine confiance. Puis se produit l’innommable quand vous êtes agressé sexuellement par cet individu qui demeure aux yeux de tous un homme respectable. Rencontre avec une personne qui a décidé de dénoncer pour se libérer.

A.B. (qui souhaite demeurer anonyme pour l’instant) est issu d’une famille de quatre enfants. Le père, gynécologue, est souvent absent. Les parents s’impliquent à fond dans à l’église de Saint-Bruno-de-Montarville. 

Pierre-Émile Brodeur est alors clerc au Diocèse de Saint-Jean-Longueuil. Il connaît bien la famille de A.B. avec laquelle il entretient des liens d’amitié. «Il a analysé la structure familiale  et a joué le ôle de figure paternelle», constate aujourd’hui A.B.

Vacances 
L’été, la famille part souvent en vacances durant un mois en Ontario ou dans les Maritimes en compagnie de Paul-Émile Brodeur. Sans le savoir, les parents de A.B. emmènent avec eux l’agresseur de leur enfant. 

«Il s’arrangeait pour partir seul avec moi afin de visiter un autre endroit dans une autre ville. Et le soir, il louait une chambre avec un lit», raconte A.B.

C’est là que le futur prêtre se livre à ses bas instincts.  

Les conséquences sur le jeune A.B. ne se font pas attendre : «À six ans, j’ai commencé à mouiller mon lit. Mes parents ne comprenaient pas ce qui se passait», poursuit A.B. avec émotion.

Les agressions se épètent durant plusieurs années tant au Québec qu’en Ontario, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. 

Puis, vers l’âge de neuf ans, A.B. repousse son agresseur. À partir de ce moment, celui-ci prend ses distances avec la famille.   

Descente aux enfers 
S’en suit pour A.B. une véritable descente aux enfers : alcool, drogue, violence. À 17 ans, il quitte l’école. Il ne veut plus rien savoir de personne et se détruit de plus en plus. «Deux ans plus tard, je me suis inscrit à l’Université du Nouveau-Brunswick. J’étais barman et je suis tombé dans les drogues dures.»

La souffrance est telle que le jeune homme tente de s’enlever la vie.

Pendant qu’A.B. traverse difficilement un parcours parsemé d’obstacles, Pierre Émile Brodeur poursuit sa vie et est nommé prêtre en 1988, à l’âge de 40 ans.

Demande de pardonr
En 2004, devant témoin au cours d’une rencontre organisée par ses supérieurs, Pierre-Émile Brodeur demande pardon à A.B. pour les actes commis à son endroit. L’exercice laisse une drôle d’impression chez A.B. quand un des religieux lui dit qu’à la suite de cette demande de pardon, les poursuites judiciaires sont bien inutiles.

Encore une fois, A.B. se sent manipulé. 

«Il n’y a pas de mots pour décrire le mal que ces personnes ont fait. J’ai perdu confiance en moi. J’étais incapable de faire confiance aux autres. Il y a tellement de victimes collatérales», laisse tomber A.B. avant de prendre une pause.  

 

 

Action collective

Depuis décembre 2019, le Diocèse de Saint-Jean-Longueuil est visé par une action collective en vue d’obtenir des indemnisations pour les victimes d’agressions sexuelles commises entre 1940 et aujourd’hui par des personnes (prêtres ou laïques) sous la responsabilité de l’Évêque catholique romain de Saint-Jean-Longueuil.

La Cour supérieure a écemment autorisé ce recours collectif.  

Me Alain Arsenault, du cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats, constate au quotidien les dégâts causés à ces  victimes qui n’ont bien souvent pas eu droit à la vie qu’elles auraient eu sans ces agressions. 

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L’avocat Alain Arsenault a travaillé sur plus de 2000 dossiers d’agressions sexuelles et connait bien les impacts négatifs affectant les victimes. (Photo: Le Courrier du Sud – Denis Germain) 

«La majorité des victimes vont souffrir d’anxiété, d’humiliation et auront beaucoup de difficultés à développer des relations de confiance», souligne l’avocat.

Négociationsr
Me Arsenault indique que les parties négocieront d’abord afin de tenter de trouver un èglement à l’amiable. Des rencontres sont d’ailleurs prévues au mois d’août.

«S’il y a entente, celle-ci devra être entérinée par le tribunal, indique l’avocat en invitant les victimes à s’inscrire le plus tôt possible. Connaître le nombre exact de victimes permet de mieux négocier», explique-t-il. 

«Dénoncer fait mal mais c’est libérateur en même temps», assure A.B. qui profite, après de nombreuses thérapies, d’une vie de famille heureuse. 

«Si mon témoignage peut aider une ou deux personnes à se libérer et porter plainte, je serai heureux.»

– A.B., demandeur dans une action collective concernant des agressions sexuelles contre le Diocèse de Saint-Jean-Longueuil 

À ce jour, plus d’une vingtaine de victimes  se sont inscrites à l’action collective, visant près de 11 prêtres, dont Paul-Émile Brodeur, Richard Parenteau, André Huet et George Forest.

Pour s’inscrire et dénoncerr
Les personnes visées par cette action collective sont invitées à s’inscrire dès maintenant, gratuitement et de manière confidentielle : Arsenault Dufresne Wee Avocats, 514 527-8903, actioncollective@adwavocats.com.

Les victimes d’abus sexuel de la part d’un membre du clergé ou du personnel pastoral relevant du diocèse peuvent contacter la personne chargée par l’évêque pour intervenir dans ces cas : 1-833-337-DSJL (1-833-337-3755) ou  SIGNALEMENT@DSJL.ORG.