La coroner responsable de l’enquête du décès par suicide d’une Châteauguoise de 25 ans qui s’était présentée à plusieurs reprises à l’Hôpital Anna-Laberge demandant de l’aide a émis une série de recommandations au Centre de santé et de services sociaux de la Montéégie-Ouest (CISSSMO), à l’Ordre des pharmaciens et au Collège des médecins pour mieux intervenir en santé mentale et prévenir le suicide.
Dans son rapport rendu public le 13 novembre, la coroner Me Julie-Kim Godin refait le fil des événements qui ont mené au décès de Christine Caron le 21 décembre 2022. «La présente investigation n’a nullement pour objectif de se prononcer sur la responsabilité d’une personne ni de rechercher des coupables», précise-t-elle d’emblée dans le rapport. L’enquête visait plutôt à mettre en lumière les causes et les circonstances qui ont mené à la mort de la jeune femme.
Christine Caron souffrait du trouble de la personnalité limite, de trouble anxieux et de trouble obsessionnel compulsif depuis plusieurs années. La Châteauguoise était suivie en psychiatrie.
3 fois à l’hôpital en 6 jours
Elle s’est présentée à l’hôpital une première fois le 10 décembre parce qu’elle avait des idées noires et souhaitait être hospitalisée. Après y être restée une nuit, elle est retournée à la maison.
Le 12 décembre, elle retourne à l’hôpital de Châteauguay disant avoir des pensées suicidaires. Dans les heures qui suivent, alors qu’elle est aux urgences en attente de voir un médecin, elle fait une tentative de suicide, indique-t-on dans le rapport. Elle est par la suite prise en charge par un médecin. Plus tard, l’équipe évalue son état et conclut à un risque suicidaire «extra faible».
On lui donne son congé et la éfère au Centre de crise et de prévention du suicide La Maison sous les arbres à Châteauguay. L’intervenante de ce centre conclut «qu’elle ne pouvait pas héberger Christine en raison de son état et de ses propos. Sa place était à l’hôpital et non pas en centre de crise», rapporte Me Godin.
Comme la Maison sous les arbres ne peut l’accueillir, elle est gardée en observation à l’urgence plutôt qu’en psychiatrie.
Christine Caron fugue ensuite de l’hôpital, est retrouvée et obtient son congé. Elle retournera à Anna-Laberge une dernière fois le 16 décembre où elle verra son psychiatre traitant. «Dans une de ses lettres d’adieu, Christine a expliqué qu’elle se sentait alors éellement mieux et qu’elle n’avait pas de projet suicidaire lorsqu’elle a quitté le centre hospitalier», mentionne la coroner.
Elle est finalement retrouvée dans sa chambre le 18 décembre «dans un état de conscience très altéé par des proches». Elle est décédée trois jours plus tard.
«Il est percutant de constater qu’à travers toutes ses visites à l’urgence dans la semaine précédant son décès, l’équipe de psychiatres n’a jamais jugé opportun d’hospitaliser Christine à l’unité de psychiatrie»
Recommandations
Dans ses recommandations au CISSSMO, elle indique qu’il faut améliorer l’offre de soins et services pour les personnes vivant avec un trouble de la personnalité, mettre en place systématiquement «des filets de sécurité adéquats pour les usagers vulnérables au suicide ou ayant traversé une crise avant de leur donner leur congé hospitalier. Ces filets de sécurité impliqueraient les équipes de soins, mais aussi les proches du patient.
La coroner invite aussi le Collège des médecins et l’Ordre des pharmaciens à amorcer une éflexion sur les moyens pour permettre aux professionnels de la santé de mieux travailler en concertation pour monitorer et intervenir au niveau de l’accès aux moyens de se suicider, par exemple l’accès aux médicaments.
L’espoir de changement
Les parents de Christine Caron, qui avaient médiatisé l’histoire de leur fille pour éclamer un meilleur accès aux soins en matière de santé mentale, accueillent favorablement le rapport. «Ça reste des recommandations. On espère que les dirigeants vont en prendre connaissance et surtout les appliquer», commente le père Stéphane Caron. Il rappelle que c’était d’ailleurs le souhait de sa fille. Dans une lettre d’adieu, elle avait écrit qu’elle espérait que sa mort ferait changer les choses.
«On ne veut pas lancer le message que ça ne donne rien d’aller chercher de l’aide. Il y en a de l’aide, mais il y a de l’amélioration à faire», souligne-t-il.
Des actions mises en place
Le CISSSMO dit avoir mis des actions en place pour diminuer les risques qu’un tel événement survienne à nouveau. Par exemple, «des postes ont été ajoutées à l’équipe de crise afin d’augmenter la prise en charge et améliorer la fluidité avec l’urgence», indique Jade Saint-Jean, conseillère-cadre aux communications du CISSSMO.
De la formation a été ajoutée en prévention du suicide ainsi que sur le repérage d’une personne suicidaire pour le personnel des unités concernées.
Mme Saint-Jean mentionne que la collaboration a été renforcée entre les équipes santé mentale de première et deuxième ligne ainsi qu’avec celle de l’urgence. Cela permet de faire «un suivi systématique quotidien des patients hospitalisés pour planifier les séjours et les congés de façon sécuritaire».
D’autres services en santé mentale seront déployés l’an prochain, dont une équipe d’hospitalisation à domicile. «Des postes sont présentement affichés», souligne Mme Saint-Jean.
Une unité d’hospitalisation brève en santé mentale d’une dizaine de lits sera aussi ajoutée l’an prochain dans le bâtiment présentement en construction devant l’Hôpital Anna-Laberge.
En cas de besoin, les gens sont invités à contacter la ligne téléphonique provinciale de prévention du suicide 1 866 APPELLE (277-3553) ou La maison sous les arbres à Châteauguay au 1 855-450-699-5935.